Récit couvrant une période depuis 2012 dans la vie de Daniel MATHIEU, face à l'ultimatum de rares maladies incurables (cholangite sclérosante primitive et rectocholique hémorragique). Dès le diagnostic tombé, survient le rappel de mettre de l'ordre dans sa vie avant qu'il ne soit trop tard : quelques mois tout au plus ! Entre les symptômes qui s'accélèrent, les malaises qui s'enchaînent, les examens qui se suivent, les traitements aux effets incertains et la transplantation du foie, la menace d'ablation du colon, le chronomètre décompte l'approche d'une échéance prochaine et définitive. Une course abracadabrante d'espoir, d'avenues improbables, de questionnements, de la médecine, du miracle tant espéré et de ses conséquences insoupçonnées.

Suivre la chronologie article par article, numérotés en série, colonne droite "Archives du blog".

vendredi 26 décembre 2014

ANNEXE F : SYSTEME IMMUNITAIRE A DEMI REGIME



Vivre avec un nouveau foie greffé, lorsque tout se passe bien, comme dans mon cas, n’apporte guère d’inconvénients. La prise de médicaments à vie s’agence rapidement dans ma routine quotidienne. Le réveil doit sonner chaque matin à la même heure (8h30) que j’ai moi-même fixé avec mon hématologue de l’équipe de suivi des greffes hépatiques de l’hôpital. Je dois prendre l’Advagraf (en 7 mg), le médicament anti rejet qui empêche mon système immunitaire de rejeter mon nouveau foie. Même avec les autres médicaments pris en deux fois (au petit-déjeuner et au dîner), mon système digestif supporte très bien ce régime chimique.

Il n’en demeure pas moins que mon système immunitaire fonctionne à demi régime. Cela me rend plus susceptible aux microbes, aux virus et aux infections. Il me faut donc prendre des mesures de précaution au niveau alimentaire (ne rien manger de cru, par ex.) et hygiénique (hygiène des mains et sanitaire indispensable). Je porte en permanence des lingettes sanitaires et une petite bouteille de désinfectant pour les mains. Même du côté des pratiques sociales, je me suis vite rendu compte que la tradition d’embrasser tout le monde ne me convient plus. Je préfère serrer la main ou pour les intimes, leur donner une accolade.

Dès mes premières sorties en public dans les visites en famille après le premier trimestre, j’ai de suite attrapé une première angine. Passage obligatoire chez le médecin pour une prescription d’antibiotique (Azithromycin 250 mg x 5 jours). Je m’en suis bien tiré pendant quelques temps. Et de nouveau, le mois suivant, j’ai attrapé un rhume, s’aggravant en angine de nouveau. Les soins homéopathiques qui avant ma maladie me convenaient parfaitement ne soutiennent désormais que modestement mon organisme. Ils ne me permettent plus de combattre l’infection. Après 20 jours de désagréments, il me faut donc retourner chez le docteur. Cette fois, il me prescrit un autre antibiotique (Cefpodoxime 200 mg x 4/jour X 7 jours). Je l’accompagne de deux capsules d’ultra levure  lors des repas pour reconstruire ma flore intestinale fragilisée par l’antibiotique. La récupération se fait moins vite et moins bien cette seconde fois. A la fin du traitement, j’ai encore un léger rhume et la gorge irritée facilement. Je dois garder le cou au chaud (pull à col roulé et écharpe) et la tête couverte dès que je sors et je dois éviter les foules et les sorties sociales en groupe. Je dois même éviter les amis lorsqu’ils ont le rhume.  Et je continue les inhalations et les tisanes apaisantes, les pastilles de propolis.



Après avoir passé tout l’automne fragile et enrhumé, je réalise que malgré ma bonne apparence physique, un bon appétit et ma bonne humeur stable, je dois faire attention et apprendre à ajuster légèrement mon mode de vie (surtout social) pour tenir compte de la fragilité de mon système immunitaire. Il est possible que cela soit dû à ma récente transplantation du foie et que le temps permettra à mon système de fonctionner adéquatement même à demi régime passée la première année. Mais pour le reste de ce premier hiver, le mot d’ordre est « Attention ! Mieux vaut prévenir que guérir ! »

mardi 9 décembre 2014

ANNEXE C : L'épée de Damoclès


         L’anxiété de vivre au quotidien dans l’attente d’une greffe incertaine qui m’offrira une chance de me sauver d’une mort éminente est bien décrite par Maylis de Kerangal dans son roman « Réparer les vivants » (p. 172) :

« Il est temps, maintenant, de se tourner vers ceux qui attendent, dispersés sur le territoire et parfois au-delà des frontières du pays, des gens inscrits sur des listes selon l’organe à transplanter, et qui chaque matin au réveil se demandent si leur rang a bougé, s’ils sont remontés sur la feuille, des gens qui ne peuvent concevoir aucun futur et ont restreint leur vie, suspendus à l’état de leur organe. Ce truc d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête, faut imaginer ça. »

Sauf qu’il ne s’agit pas d’une épée, mais d’un téléphone.



En effet, il fut un temps où les patients dès leur inscription sur la liste nationale des transplantations recevaient un téléavertisseur (bip, beeper ou pagette) qui permettait à l’unité des greffes de leur hôpital de les rejoindre en tout temps, dès qu’un greffon devenait disponible. Cette pratique n’est plus utilisée aujourd’hui vu que la plupart des gens portent en permanence leur téléphone portable. Moi, je n’en n’avais pas. Je donnais donc mon numéro fixe de la maison à mon unité de greffe de l’hôpital. Cela restreignait énormément mes déplacements. J’avais toujours la hantise, si je quittais la maison pour plus de quelques minutes, de manquer l’appel tant attendu. Au delà des symptômes de la maladie, je vivais sous un stress constant. J’appréhendais chaque nouvel appel. Chaque fois que le téléphone sonnait, mon cœur s’arrêtait. Ma respiration se bloquait. Je me transformais en statue de marbre une fraction de seconde. Mon sang se figeait. La vie me quittait. L’appel de l’hôpital représentait pour moi l’euphorique rescousse d’une greffe salutaire et un soulagement inespéré. Mais il m’apportait aussi son lot de frayeurs d’un transport de toute urgence jusqu’à l’hôpital à plus de 150 km de chez moi, la réalité d’une opération chirurgicale draconienne m’ouvrant les entrailles pour en rechanger des pièces essentielles, les incertitudes des heures sous anesthésie totale, les douleurs du réveil et des jours, sinon semaines d’hospitalisation qui suivraient, sous fortes doses de médicaments, des aléas des complications possibles, du rejet du greffon, des infections à éviter, d’une récupération qui s’étendrait sur des semaines, des mois, peut-être plus, vivre médicamenté à vie, avec de nouvelles restrictions et conditions de survie… Il s’agissait donc de vivre à la frontière d’une guérison possible et inespérée et de la hantise de tout ce qui s’en suivrait. Mais encore fallait-il que l’appel arrive dans les temps. Les statistiques démontraient que seulement une personne sur quatre serait greffée dans l’année de sa mise sur la liste nationale. Donc, l’appel n’était pas garanti. C’était jouer à la roulette russe.  Nous décidâmes d’acheter des téléphones fixes supplémentaires et d’en installer aux quatre coins de la maison, afin de nous éviter de courir dans les marches ou d’une pièce à l’autre.

Cela ne nous empêcha pas de manquer, lors d’une sortie, un premier appel de l’unité des greffes hépatiques de l’hôpital.  A notre retour, le greffon avait été proposé à un autre patient. C’est ainsi que ma compagne décida de se procurer un nouveau téléphone portable qui ne la quitterait plus. De mon côté, je récupérais un vieil appareil qui trainait en permanence dans la boite à gants de la voiture en cas d’urgence lors d’un déplacement. Nous le réactivions à mon seul usage de communication avec l’hôpital. J’en fournissais le numéro à l’unité des greffes et à mes docteurs. Je personnifiais le message d’accueil à cette unique fin. Nous avisions tous nos amis ayant pu, auparavant, connaître ce numéro, de ne plus l’utiliser pour nous laisser des messages mais d’utiliser plutôt le nouveau numéro de ma compagne. Je dus développer l’habitude de garder avec moi ce téléphone, à ma portée jour et nuit, rechargé et en fonction. Ce qui ne fut pas évident en soi. Avec cela, naissait la nouvelle peur de l’oublier, de ne pas entendre un appel, de vérifier maladivement si j’avais un nouveau message, de m’assurer que le téléphone était bien chargé avant que je quitte la maison.

Chaque jour, l’un des téléphones sonnait. Et mon cœur s’arrêtait. La frayeur se percevait aussi dans le regard de ma compagne. Pour moi, l’appel de l’hôpital symbolisait l’ultime recours, le dernier espoir. Je continuais de jour en jour à déployer toutes mes ressources pour découvrir une solution miracle m’apportant la guérison spontanée. Je voulais guérir sans avoir recours à la transplantation. A cette fin, je restais ouvert à toute offre d’aide, de soin, de thérapie ou de médicament alternatif. De son côté, ma compagne ressentait cet appel comme un ultimatum, la constatation d’un échec, l’abdication à ma lutte pour la guérison spontanée. Le recours à la chirurgie représentait pour moi l’échec de ma vision personnelle que l’esprit avait des ressources insoupçonnées et qu’il pouvait transcender la matière et modifier notre corps sur le plan énergétique et cellulaire. Je croyais dur comme fer au miracle de la pensée positive et du développement personnel de l’être, capable de régénérer le corps, de l’aider à se ressourcer et à se guérir de tout, des malaises présents comme des empreintes néfastes du passé. La hantise de la chirurgie et de ses impondérables et de la chimie lourde pharmaceutique nous terrifiait aussi. Nous vivions depuis des années de façon saine, mangeant bio, nous soignant naturellement, de façon holistique, éloignant de nous les tensions et pollutions inutiles, buvions de l’eau purifiée et dynamisée produite par un système de filtration de très haute gamme et de technique des plus innovantes. Même nos produits ménagers étaient biologiques ! Aucun polluant n’entrait dans notre foyer, notre voiture, notre environnement immédiat dans la mesure du possible. Je mangeais et vivais sainement, pratiquant yoga, méditation et gymnastique, je ne fumais pas, ne consommant qu’occasionnellement un verre de vin ou de bière. Et voilà que mon foie s’autodétruisait. Il y avait un sens caché là-dessous et j’arriverais à temps à percer l’énigme et je me sauverais. Il le fallait. Cela était cohérent avec ma façon de vivre, de penser et d’être. Il ne pouvait en être autrement. Je ne pouvais donc qu’aboutir à la guérison spontanée. De tels récits avaient été publiés en nombre. Et dans ma propre famille, mon grand-père paternel avait vécu une rémission totale de son cancer durant une décennie. La grand-mère lui avait fait promettre de ne pas mourir avant elle, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Durant les 13 années que dura sa maladie, mon grand-père retrouva la santé sans aucun traitement. L’année qui suivi le décès de sa femme, son cancer revint en phase 4. Ainsi, pour moi, la chirurgie symbolisait l’échec, la défaite la plus totale. J’aurais échoué. Quelque chose aurait été détraqué dans ma vision du monde.

Et d’autre part, comme tout le monde de normal, la transplantation représentait l’unique et ultime solution possible pour ralentir ma pathologie et son apogée. Je me savais même chanceux d’avoir une sortie possible. La plupart des maladies terminales demeuraient sans issue. Moi, j’en avais une : la greffe du foie. Le coup de fil de l’hôpital représentait cela aussi pour moi. Un paradigme et son contraire.

Comment décrire avec justesse cette sensation de mes tripes qui se resserraient chaque fois que mon portable sonnait ? Des amis continuaient d’utiliser ce numéro pour me rejoindre ou nous laisser un message, malgré mes recommandations. Il nous fallut plusieurs fois les rappeler pour leur souligner qu’ils me causaient une crise cardiaque à chaque appel puisque ce numéro était désormais exclusivement réservé à l’unité des greffes de l’hôpital. Ce ne fut pas un parcours facile. Je devais insister auprès de mes amis et proches pour qu’ils effacent ce numéro de leur carnet d’adresses et de leur mémoire téléphonique. Tous promettaient. Certains oubliaient encore. Ajoutant malgré eux de l’angoisse et du stress à tout ce que nous vivions et devions déjà endurer dans notre vie quotidienne.

Je n’ai jamais autant haï et béni, durant cette période, l’invention diabolique que fut le téléphone ! L’expression « ma vie ne tenait qu’à un fil » (lire « coup de fil ») ne pouvant être plus vraie qu’en ces jours-là. Et,  ironie du sort, l’appel tant attendu et tant redouté vint un jour par le téléphone fixe. Et nous sûmes, en une fraction de seconde, l’instant où le téléphone de la maison sonna, que c’était celui que nous redoutions. Ma compagne et moi, alors en pleine discussion dans le salon, avons tourné la tête ensemble vers l’appareil. Puis quittant du regard le téléphone, les yeux dans les yeux, nos regards indiquaient la même chose. Nous savions.

Ce coup de fil effaçait en une fraction de seconde toutes nos illusions, tous nos espoirs, des années d’efforts à construire et maintenir un art de vivre dominé par la puissance de l’esprit, de l’âme et du cœur. La guérison spontanée n’avait été qu’un mirage. D’un autre côté, cette sonnerie m’apportait une prolongation de vie et peut-être même un répit permanent. Il y aurait des risques. C’est certain. Mais sans cela, ma vie vaudrait-elle la peine d’être endurée encore combien de temps dans l’état physique déplorable dans lequel je me trouvais alors ? Un mois ? Moins ? Verrais-je même mon 56e anniversaire le mois prochain ? Me faudrait-il finir mes jours hospitalisé, subsistant par nourriture artificiellement ingérée ? Dans l’attente d’un greffon qui ne viendrait peut-être jamais plus si je refusais celui-ci ?

En fait, la greffe eut lieu. Et le miracle aussi. Il ne vint pas, tel qu’espéré, avant la chirurgie. Mais après. Par une convalescence inespérée.


mercredi 26 novembre 2014

ANNEXE B : PREMONITIONS

La vie fait parfois de drôles de choses. On peut appeler ça hasard. N'est-ce pas Einstein qui disait que le hasard était la manifestation de Dieu ? On peut aussi appeler ça coïncidences. Pourquoi pas ? Je vous donne les faits comme tel, alors à vous d'en juger.

Nous sommes de retour dans le passé. En avril 2012, plus exactement. Nous sommes en visite en Dordogne chez une amie des Eyzies. Un soir, elle nous propose de participer à un tirage de cartes pour voir ce qu'elles disent par rapport à notre futur et à l'achat prochain de notre nouvelle résidence à Plazac. Elle sort ses cartes de tarot et nous tirons chacun, ma compagne et moi, le nombre de cartes requises. Chose étrange, je tire les cartes suivantes : 54 – Mort ; 40 – Malheur ; et 51 – Route.

Il existe de nombreux jeux de tarot et tout autant de façons différentes de les lire et de les interpréter. Toutefois, à prime abord, ces cartes ne semblent pas très gaies. Sans rentrer dans leur lecture ou interprétation, elles indiquent un passage (route) difficile (malheur) allant jusqu'à une forme extrême (mort). J'aurai un défi de taille à relever, pour le moins.

En tarot de Marseille traditionnel, la carte de la mort a le sens suivant :
LA MORT : ou l’arcane ‘sans nom’, le n° 13, le nombre ‘saint’, la lettre hébraïque Mem finale, entièrement fermée, sans ouverture vers l’extérieur ; la Renaissance, régénération, accomplissement et cycle achevé, le nouveau départ, correspondant au signe astrologique du scorpion : possession, transformation énergétique (source : Wikipédia)

Nous avançons dans le temps : nous sommes désormais en 2013. Par téléphone, nous contactons un ami des environs de Toulouse qui, depuis quelques années, nous conseille avec sa méthode de numérologie/astrologie Yi King (livre divinatoire chinois vieux de 3 000 ans). Il a une façon très directe d'interpréter et de traduire en langage courant les données numérologiques nous concernant. Ses lectures sont claires et résonnent de façon très pertinentes pour nous ; surtout avec un léger recul. Lorsque nous le consultons, cette fois, nous cherchons à clarifier mes choix entre la greffe du foie et d'autres alternatives possibles. Entre autres éclairages, il me souligne que l'année de mon 56e anniversaire (le 28 juin 2014), la vie va me demander d'affronter un défi de taille : de traverser la mort ! Rien de moins ! Etrangement, cela me rappelle mon tirage de cartes de l'année précédente.

Nous avançons de nouveau un peu plus dans le temps et nous voilà en janvier 2014. Une amie de Périgueux nous visite à la maison et nous en profitons pour faire un tirage de cartes selon un thème pertinent à chacun. Bien sûr, je cherche une clarification concernant ma pathologie. Et c’est la carte 22 de « L’Ange Liberté » qui sort pour moi. Au sein du texte d'interprétation qui accompagne le jeu, les phrases suivantes m'interpellent:

« L'homme Libéré, devenu Ange, se réalise sur tous les plans de son être... Cet arcane, par l'atmosphère de sérénité qui s'en dégage dans l'harmonie des bleus, témoigne de l'état de grâce qui échoie à celui qui a su relever les défis et garder, même dans les heures les plus sombres, l'espoir de tous les possibles.
Vous pouvez désormais voir clairement que toutes les épreuves à travers lesquelles vous êtes passé pour arriver à cet accomplissement ont été autant d'étapes bénéfiques, même si certaines vous ont paru difficiles et douloureuses sur le moment. Elles vous ont permis de vous aguerrir, de clarifier la situation et de lui donner son véritable sens dans la dynamique de votre vie. Sans elles, il ne vous aurait pas été possible de réaliser pleinement le but que vous vous étiez fixé au départ.
Quelque que soit la situation, vous êtes arrivé à la fin d'un cycle... le véritable succès réside avant tout dans l'harmonisation de vos objectifs extérieurs avec votre véritable mission intérieure, et non l'inverse. Là se trouve la véritable Liberté... »*

Suite à une méditation dans les jours qui suivent, je ressens qu’il est essentiel pour moi de me procurer une copie de ce tableau qui me touche profondément. Son attraction pour moi est de l'ordre d'un aimant à une tige de fer. Nous nous rendons donc chez l’artiste et son compagnon astrologue, des amis qui habitent à côté de chez nous. Je lui raconte mon lien avec sa carte de L'Ange Liberté. Nous lui commandons alors une reproduction grand format pour mon anniversaire en juin. Quelques mois plus tard, alors que je quitte tout juste la table d’opération, ma compagne reçoit un appel téléphonique de l’artiste indiquant que le tableau exécuté spécialement à mon intention vient de recevoir la touche finale.

Sans chercher midi à quatorze heures, un fil tenu semble relier ces trois expériences pourtant bien différentes. Une reproduction de la peinture originale trône désormais sur le mur de ma chambre, en guise de rappel du message de l'Ange Liberté !


Peinture de Myrrha extraite du Tarot de l'Ange Liberté : www.latelierdemyrrha.com



*Source : « Le Tarot de l'Ange Liberté : des Ténèbres à la Lumière » d'après le poème de Victor Hugo, 23 arcanes et leur signification, Editions Michel Jonasz 2004, 3e édition 2012 : Peintures Myrrha, Textes Samuel Djian Gutenberg.

mardi 25 novembre 2014

ANNEXE D : LA GREFFE DU FOIE

La transplantation hépatique est une intervention chirurgicale intrusive d'importance mais très bien rodée aujourd'hui. On m'a retiré le foie, la vésicule biliaire, les canaux biliaires, le duodénum et une petite partie des intestins. Avec cette partie des intestins, on m'a reconstruit des canaux biliaires, dont un 'tronc' plus large qui sert de réservoir à la bile, tout comme le faisait auparavant la vésicule.

Cela laisse une énorme cicatrice en travers l'abdomen, le long du diaphragme.


Cicatrice le16 mai 2014, 13 jours après la greffe

Plusieurs dizaines de points de sutures sont nécessaires pour recoudre le foie en place dans l'abdomen, pour la connexion de l'organe et de ses canaux et pour refermer la plaie. Quelques agrafes métalliques ont été requises pour maintenir les sondes et drains en place.

La plaie a besoin d'un nettoyage quotidien au début, ainsi qu'un changement des pansements régulièrement et la douche est strictement interdite tout aussi longtemps que les points ne sont pas retirés. La toilette de chat est requise. Cela durant 6 à 8 semaines.

J'ai soigné aussi la plaie, une fois les points retirés, avec une crème cicatrisante à base de vitamine E, en un massage léger, deux fois par jour, durant 6 mois. Ensuite, je m'en tiens à une fois par jour, le soir après ma douche. Même si des douleurs "fantômes" surviennent de temps à autres, la plaie est indolore tant que je ne fais pas d'effort physique intense. Les infirmières me disent que la plaie ne paraîtra plus dans un an, à condition que je ne l'expose pas au soleil et que je la protège.


Cicatrice le 3 novembre, 6 mois après la greffe

lundi 24 novembre 2014

2 : LE DIAGNOSTIC

ULTIMATUM
RECIT – PARTAGE


         Le 2 août, le diagnostic : Le docteur, s'appuyant sur ses avant-bras bien à plat sur son bureau, se penche légèrement vers moi et annonce d'une voix claire « Nous avons enfin trouvé la cause de vos symptômes ! »

Je ne peux m'empêcher de sourire en remarquant que lorsque qu'un médecin veut donner plus de poids à une déclaration, il ne peut s'empêcher de s'exprimer à la première personne du pluriel, le nous rappelant la collégialité qui l'unit à tout l'ordre des médecins.

« J'en suis très soulagé, continue-t-il (là vous remarquerez le retour au je pour s'accorder l'ensemble du mérite, qui, lui, ne se partage pas aussi facilement) car il est possible de commencer un traitement. Quoique, dans le cas de votre pathologie, il s'agit d'une maladie très rare, dont les causes demeurent inconnues à nos jours et pour laquelle, en fait, il n'existe pas de cure connue. »

J'aime bien ! D'abord, il est heureux d'avoir arrêté son diagnostic, comme ça nous arrêtons d'aller à la pêche d'un examen à l'autre. Ensuite, nous pouvons commencer un traitement incertain pour une maladie pratiquement inconnue et de toute façon incurable. Je suis content pour lui, de le voir ainsi soulagé. Toutefois, je me permets de ne pas le rejoindre dans son enthousiasme. Si il est rassuré, moi, au contraire, je me trouve plus inquiet qu'avant sa bonne nouvelle !

« Permettez-moi, Docteur, de demander quelques clarifications, ne puis-je m'empêcher d'ajouter.
- Oui, bien sûr, m'offre-t-il avec une compassion teintée d'une certaine supériorité légitime aux gens qui savent, comparé à ceux qui, eux, ne savent pas. Et dont je partage, nécessairement, le lot. De quelle maladie parlons-nous au juste, osais-je demander ? 
 - D'une cholangite sclérosante primitive, lance-t-il avec une fierté sans retenue ! » Je me permets de lui demander d'épeler cela afin de le noter. Car ça pourra m'être utile, il me semble. Sans attendre ma prochaine question, il se lance dans une explication abracadabrante de cette pathologie, de ses conséquences, de sa durée et des problématiques qui l'entourent. Je n'en retiens que quelques éléments :

1) il s'agit d'une maladie dé-génératrice des conduits biliaires du foie  

2) très rare (j'apprendrai plus tard sur Wikipédia que seules dix personnes sur un million en sont affectées), c'est-à-dire non étudiée (pour dix personnes à sauver, les lobbies pharmaceutiques ne vont pas investir temps et argent pour une pathologie si rare : aucun profit envisageable) ;

3) les conduits biliaires entre la vésicule et l'intestin se referment (d'où la sclérose) et la bile, ne trouvant plus de débouché vers le duodénum et le système digestif, se déverse directement dans le sang et la lymphe ; les reins devront l'éliminer du sang tant bien que mal par l'urine et l'épiderme en évacuera une petite partie par la sueur ;

4) cause inconnue et traitement tout aussi inconnu : le docteur me prescrit des sels biliaires chimiques qui, semble-t-il, assurent un certain équilibre d'enzymes au cours de l'avancée inexorable de la pathologie qui nécessitera rien de moins qu'une transplantation du foie (Wiki ajoute qu'on ne peut vivre au delà de trois jours sans foie. Alléluia ! ) ;

5) comme cette maladie est généralement associée à d'autres pathologies lourdes, le docteur me prescrit une coloscopie exploratoire (il va aller farfouiller là-bas dedans voir si rien d'autre de sérieux ne s'y cache).

Voilà ! Nous étions en août de l'an 1 de la maladie. Deux ans se sont écoulés depuis et pas mal de choses ont changé mais je suis encore là pour écrire ces pages. Le docteur, lui, n'est plus dans mon cercle de connaissances, dû à un changement d'employeur et de localité et, m'a-t-il avoué, une limite dans ses compétences concernant ce genre de pathologie. Surtout que le médoc qu'il m'a prescrit -le seul connu en l'occurrence- a arrêté de faire effet il y a quatre mois. Mon dossier sera référé, avec un professionnalisme et un suivi personnel au-delà de la norme pour un médecin, entre les mains d'un hépa-gastroentérologue expert en la matière dans ma région (un de ceux qui s'attaquent aux quelques 1241 greffes du foie (en 2012) en France, dont 45 pour le CHU de Bordeaux, selon les données de l'Agence de la Biomédecine, mars 2013).


Mais, j'avance un peu vite. Revenons au début afin de mieux saisir l'ensemble de la situation.