Le 6 mars 2024, j’ai du prendre un rendez-vous avec l’hématologue du CHU-Bordeaux parce que mes examens ont indiqué une anomalie dans mes résultats sanguins. Ce n’est pas nouveau pour moi puisqu’en mai 2021, le même scénario s’était présenté et j’avais du consulter le même spécialiste. A l’époque, les analyses sanguines et deux ponctions de la moelle du sternum avaient abouti à deux résultats :
1° Chromosomes – NORMAUX
2° Gènes – problème de mutation du gène DDX41 (hélicase de l’ARN, jouant un rôle notamment dans la régulation de l’épissage de l'ARN et dans l’immunité innée ; à prédisposition presque exclusivement familiale)
- risque d’implication familiale (enfants) si propagation avérée
- besoin de biopsie de la peau (Bordeaux Pellegrin) pour vérifier si présent ailleurs que dans la moelle et dans le sang
Bilan 1 : il ne s’agit pas d’une leucémie mais plutôt d’une MYÉLODYSPLASIE (MDS) :
Définition : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_myélodysplasique
La Stratégie thérapeutique alors étudiée : Mon état actuel (CSP + RCH) exclut les deux traitements privilégiés, soit la greffe de moelle et la chimiothérapie traditionnelle.
La greffe de moelle ainsi que la chimio trad. ont des effets secondaires très importants dont une MICI et ne sont pas acceptable lorsque déjà transplanté d’un organe.
Les globules rouges se transfusent, les plaquettes aussi mais le corps peut les considérer comme agents étrangers et les détruire ; les globules blancs ne sont pas transfusables.
Il s’agit d’éviter l’envahissement par les cellules anormales.
Dans le cas présent, la prise en charge se faisant tôt, le suivi thérapeutique régulier permettra de de stabiliser la progression de la MDS.
Il me reste donc le traitement par agent hypométhylant (chimiothérapie dite « légère ») avec VIDAZA (azacitidine) par injection (30 minutes en moyenne) sur 7 jours pendant une semaine chaque mois, à vie, faite en milieu hospitalier. L’efficacité du traitement s’évalue au 6e mois.
Dans mon cas, la numération de globules anormales est proche de normale ce qui implique une toxicité réduite. L’analyse d’interaction entre les molécules des autres traitements est faite en amont du premier traitement afin de fixer la posologie correcte.
En l’absence de traitement, la durée de vie moyenne du malade est de 12 mois ; dans mon cas, tenant compte de l’évolution subite de la problématique, mon pronostic vital est de trois mois ; il s’agit d’une maladie sans douleur qui se limite au sang et engendre une fatigue croissante.
On est à la frontière entre myélodysplasie et leucémie. Il s’agit de contrôler l’évolution de la maladie, allonger la survie et diminuer, voire annuler les besoins de transfusion.
Si on la laisse évoluer, il n’y aura plus de bons globules blancs et donc infection croissante.
C’est une maladie sans métastases, pas comme un cancer, pas douloureux, ça fatigue et des saignements apparaîtront et augmenteront. Même avec les traitements, des saignements et infections peuvent survenir. Cela n’arrangera pas les saignements intestinaux de ma RCH.
Un nettoyage total de la leucémie concerne 25 % des malades ; 50 à 60 % vont bénéficier du traitement qui freine l’évolution de la maladie sans la régler. Impossible de savoir le résultat avant un délai de six mois, puisque ça varie d’une personne à l’autre.
Ils n’ont pas d’autre cas connu ayant déjà subi une transplantation d’organe accompagnée d’une MICI et donc absolument aucun recul pour savoir si le traitement fonctionnera. Je serai un cobail.
Lors de la réunion de concertation commune (RCP) à l’hôpital, il fut établit le diagnostic en fonction de l’analyse des résultats afin d’arrêter un traitement optimal compte-tenu de mon état global et mes antécédents. Ce résultat est partagé avec mon médecin traitant, en contact avec les spécialistes du CHU-Bordeaux.
Bilan 2 : L’analyse génétique a relevé une sérologie Syphilis ancienne :
un contrôle complémentaire est requis ;
un traitement pourra avoir lieu au CHU –Périgueux- si besoin.
SUIVI PROPOSÉ :
1° Biopsie de la peau (CHU –Bordeaux Pellegrin)
2° Contrôle génétique syphilis (CHU – Périgueux)
3° Traitement VIDAZA (CHU –Périgueux Hématologie) à commencer immédiatement en raison de mon pronostic vital de trois mois.
Ma décision : Je refuse tout traitement.
Mes raisons sont simples :
1° Je me sens en parfaite santé, ma vitalité est bonne, mon moral est bon, l’été arrive et je veux profiter du beau temps, du soleil et de la moto au maximum ; s’il ne me reste que trois mois à vivre, je n’ai aucunement l’intention de les passer à l’hôpital et en traitement qui m’affaibliront et gaspilleront mon dernier été ;
2° mon ressenti me dit que la problématique de mon sang et de ma moelle osseuse n’est que passagère ; qu’il s’agit d’un ajustement que doit faire mon corps pour s’adapter à une nouvelle situation ; si je lui en laisse le temps, tout se remettra en place tranquillement ; c’est mon intime conviction.
Vue ma décision, les deux hôpitaux refusent tout type de suivi et reportent la suite une fois ma décision prise d’accepter le traitement. Je quitte donc l’hôpital décidé de faire confiance à mon corps. Même si angoissant en raison de l’absence totale de suivi, l’hôpital ne me laissant pas d’autre choix, je demeure confiant.
Trois mois plus tard, j’ai passé un excellent été, acheté une nouvelle moto et me sent en pleine forme. Le délai critique est écoulé et je me porte très bien.
Et nous voilà désormais trois ans plus tard lorsque je rentre dans le bureau du même docteur qui m’a suivi à l’origine du problème. Il me salue et ne me reconnaît pas. Moi, je le reconnais et ne suis pas très à l’aise avec ce qui risque de suivre.
Toutefois il passe en revue mon dossier et lance : « Ha oui ! Monsieur Mathieu ! Je me souviens. Il y a trois ans lorsque je vous ai vu, vous avez refusé de suivre mon conseil et vous avez refusé le traitement préconisé… »
Un espace de temps s’écoule et je ne dis rien.
Il reprend « A ma lecture de vos récentes analyses (myélodysplasie avec la mutation du gène DDX41, avec 18% de blastes, un taux d’hémoglobine autour de 9 et de plaquettes autour de 150), je ne peux que constater que votre bilan est resté stable et qu’il ne s’est pas aggravé. Votre corps a su, tout seul, stabiliser votre état. En toute franchise, on n’aurait pas pu espérer un meilleur résultat si vous aviez suivi le traitement au Vidaza. Vous avez bien fait de ne pas suivre mon conseil. »
Et là, je tombe presque de ma chaise ! Qu’un professeur, spécialiste en la matière, reconnaisse que j’ai eu raison de ne pas suivre son traitement alors qu’il me condamnait à trois mois de vie sans traitement… C’était fort ! J’étais impressionné.
Il propose plutôt :
1° de tenir une consultation multidisciplinaire avec les docteurs qui me suivent pour la CSP, la RCH et la chirurgie du colon afin de décider d’une option concertée et de me rencontrer dans un mois pour un bilan ;
2° qu’il recommanderait un suivi d’analyse sanguine chaque trois mois avec un rdv bilan semi annuel ;
3° que le CHU-Bordeaux ne me suivra qu’annuellement désormais.
Autres considérations :
la mutation génétique DDX41 étant héréditaire, il faudrait aviser mes enfants ; ce qui a déjà été fait en mai 2021 (mes deux filles ont de problèmes type MICI et un petit-fils a déjà eu une RCH traitée avec succès) ;
il est surpris de ma résilience avec mon cumul de problématiques (malgré l’absence de traitement autre que les anti-rejets pour la greffe du foie) et que je me porte aussi bien ;
il reconnaît que mon refus du traitement au Vidaza en mai 2021 était justifié puisque, avec le recul, trois ans plus tard, mon état demeure stable sans aucun traitement.
Nous avons discuté de mon état et il fut convenu de ne rien entreprendre tout aussi longtemps que mon corps continuait tout seul de s’adapter sans aggravation. On se quittait en se serrant la main.
Je suis très heureux et optimiste de cet examen car il me conforte dans mon approche de ma santé en faisant confiance à mon ressenti et à la capacité de mon corps de savoir comment se gérer. J’ai déjà servi de coach ou de conseiller pour d’autres personnes atteintes de diverses maladies, notamment de cancer, pour les motiver à rester positif et joyeux, de persévérer à cultiver leur bien-être mental (autant que physique), leur bonne humeur et joie de vivre. Mais je ne m’étais à ce jour jamais trouvé moi-même confronté à un double cancer (moelle et sang). Et là, je pouvais constater que mon approche mentale fonctionnait vraiment pour moi.
Les docteurs n’aiment pas, en général, des patients tel que moi. Remettre en question leurs connaissances, leur traitement, leurs conseils est inconcevable pour eux. Ils sont les experts, nous les consultons pour qu’ils nous aident et il est impensable pour eux de ne pas suivre leur avis.
Dans mon cas, je suis maître de ma vie et de mon corps depuis mon adolescence. Je suis adepte de la philosophie des existentialistes français : « Même si Dieu existait, ça ne changerait rien puisqu’il m’a donné le libre arbitre ; je suis seul responsable de ma vie et de mes choix et j’assume complètement cette responsabilité ». Si je me trompe, dommage : j’apprends à ne pas refaire la même erreur. Sinon, je vie en intégrité : je pense en accord avec mes valeurs ; je dis ce que je pense ; je fais ce que je dis. Cela suffit à mon bonheur. En plus, je respecte mon corps et mon esprit et en prends soin. J’écoute mon ressenti et mes émotions et elles me guident à chaque instant. Et surtout, je cultive ma joie de vivre (l’ultime but de ma vie) et ma bonne humeur, en respect avec autrui. L’enseignement le plus puissant de mon héritage chrétien est « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse à toi. » Quelle que soit la durée de ma vie, vivre en accord avec mes principes me suffit amplement à vivre heureux et confiant en tout temps et en toute circonstance… même avec quatre maladies auto-immunes !