Récit couvrant une période depuis 2012 dans la vie de Daniel MATHIEU, face à l'ultimatum de rares maladies incurables (cholangite sclérosante primitive et rectocholique hémorragique). Dès le diagnostic tombé, survient le rappel de mettre de l'ordre dans sa vie avant qu'il ne soit trop tard : quelques mois tout au plus ! Entre les symptômes qui s'accélèrent, les malaises qui s'enchaînent, les examens qui se suivent, les traitements aux effets incertains et la transplantation du foie, la menace d'ablation du colon, le chronomètre décompte l'approche d'une échéance prochaine et définitive. Une course abracadabrante d'espoir, d'avenues improbables, de questionnements, de la médecine, du miracle tant espéré et de ses conséquences insoupçonnées.

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samedi 21 décembre 2024

ILEOSTOMIE

 

 

Nous voilà en décembre 2024.

Une année d’écoulée depuis ma dernière opération, une iléostomie (ablation du gros intestin, du rectum et de l’anus) survenue mardi 23 janvier 2024, après trois mois de douleurs et fièvres intenses, insupportables et épuisantes. L’épuisement de tous les traitements, même expérimentaux, pour contenir l’avancée de la rectocolique hémorragique est arrivé et je n’ai d’autre alternative que la chirurgie que je retardais depuis sept ans.


Je vis désormais une « stomie ». Mes intestins grêles se terminent à l’iléon, qui est le sphincter entre les deux intestins, et qui sort de mon ventre au niveau du nombril (à 7 cm sur la droite). Cela ressemble à un petit cratère de volcan constitué de chair vive mais totalement indolore. Cet orifice remplace désormais l’anus. Franchement, ce n’est pas la solution idéale pour vivre désormais mais je n’avais plus le choix. D’après mes lectures, on peut très bien vivre quasi normalement à la suite de ce genre d’opération.


En fait, j’évacue les déchets alimentaires par ce nouvel anus artificiel auquel on appose un pansement muni d’une rondelle en pastique trouée. La taille de l’orifice correspond à la grosseur du petit cratère du diamètre approximatif de mon pouce. Une fois le pansement autocollant apposé sur la peau autour de l’orifice, on y fixe une poche munie d’un autre orifice en plastic qui s’emboite dans la rondelle du pansement (que l’appelle le « socle »). La taille de la poche varie. La plus petite correspond à un petit sac de la taille d’un gros biscuit. On l’utilise pour prendre un bain ou une douche ou de façon provisoire car on ne peut pas le vider. Il est pratique aussi pour faire des câlins car il est plus discret.


Les tailles suivantes varient de 250 ml à 400 ml et peuvent être vidées et refermées. La plus pratique est équipée d’un tube rigide avec un bouchon, plus facile à vider régulièrement et de façon plus propre (que l’embout pliable). En plus, pour la nuit, on peut fixer le bouchon à un tube de vidange connecté à un sac réservoir d’un litre, suffisant pour toute la nuit sans avoir à se lever plusieurs fois pour vider la poche qui se remplit de gaz et de selles une, deux ou trois fois durant la nuit. Le problème avec ce dernier modèle est que le tube se bouche facilement si les résidus évacués sont trop secs ou pâteux. Il fonctionne mieux avec les selles liquides. Ce qui assez difficiles de prévoir.


Il y a un soin de nettoyage a effectuer sur la peau autour de la stomie lors de chaque changement de socle, tous les deux ou trois jours. En fait la poche se change chaque 24 heures et le socle chaque 48 heures ou 72 heures, même si on peut la garder avec le même socle quatre jours ou plus. Mais la peau a besoin d’être nettoyée, conditionnée et bien séchée régulièrement pour éviter une infection ou irritation cutanée. Et puis si l’on ne change pas régulièrement la poche, celle-ci commence à laisser passer les odeurs et peut aussi commencer à avoir de légères fuites. C’est contraignant, c’est certain, mais ce n’est pas la fin du monde ; je m’y habitue rapidement dès la sortie de l’hôpital, qui d’ailleurs se passe assez mal en fait.


Contrairement aux informations fournies avant la chirurgie à l’effet qu’on ne sort pas avant d’être complètement formé au nouvel appareillage et avec les services à la maison bien organisés, rien de cela n’a eu lieu dans mon cas. On m’a libéré de l’hôpital par surprise quelques jours après la chirurgie, un dimanche, qu’avec les conseils minimalistes et un seul équipement de rechange. Dans la voiture lors du trajet de deux heures trente vers la maison, le socle a lâché et l’appareil a fuit. Aucun service n’étant accessible un dimanche et sans autre matériel de rechange, il nous a fallu nettoyer celui qu’on utilisait et s’en resservir jusqu’à ce que la pharmacie, lundi matin, puisse me vendre plusieurs rechanges pour durer jusqu’à la livraison du matériel requis qui avait été prévu par l’hôpital. Toutefois, la livraison est arrivée mardi au lieu de lundi. La galère totale !


Le gros avantage avec tous ces problèmes dès la sortie de l’hôpital c’est que ça nous a fait vivre dès le départ le pire scénario ; et une fois vécu et surmonté, rien de pire ne pouvait plus nous surprendre.


En fait, dès que le bon matériel est arrivé, et que les infirmières de soins à domicile m’ont indiqué la procédure à mettre en place, en une semaine je gérais seul l’ensemble de mes soins et mon matériel.


J’utilise un baume spécial pour guérir mes cicatrices. Celles du ventre, il y en a trois autour du nombril, sont petites (quelques points de sutures) et assez indolores. Je dois juste faire attention à bien les nettoyer, les sécher et prendre soin de la peau. Une seule d’entre elles s’infectera au printemps et je réussirai à la soigner seul. La pire, c’est l’anus. Le plus gros appareillage chirurgical est passé par là et a extrêmement irrité et fragilisé l’épiderme et les tissus de cette zone. Les petites veines ont éclaté, les tissus sont distendus et j’ai des hémorroïdes énormes, de la grosseur de trois œufs de poule. Impossible de m’asseoir e m’allonger est douloureux et inconfortable. On ne m’a rien dit de cette conséquence de la chirurgie avant l’opération, ni après. La douleur est insupportable, pire qu’avant l’opération. Après une semaine sans répit, je contacte en colère le chirurgien et lui demande de compléter son travail et de m’enlever ces veines gonflées extrêmement douloureuses. Il m’explique que c’est normal compte-tenu des tissus endommagés par la maladie et qu’il va me falloir patienter deux ou trois mois avance que les hémorroïdes se résorbent complètement, ce qui ne manquera pas de se produire. L’ampleur du problème varie d’un patient à l’autre en fonction de la gravité de la maladie et de son impact sur les tissus. Mais il m’assure que c’est normal, même si désagréable, et que ça passera. Il faudra attendre plusieurs semaines avant que l’inflammation se résorbe pour voir si une chirurgie réparatrice est nécessaire. Malgré l’inconfort de mon état, je n’ai d’autre choix que de patienter et de donner le temps à mon corps de se guérir. La douleur et l’inconfort persisteront deux autres mois.


Après 10 ans de problèmes de santé, de crises, d’hospitalisations, d’urgences, de douleurs du tolérable à l’insupportable, de diarrhées sanglantes incontrôlables, vivre avec une stomie n’est guère contraignant. Pas idéal mais acceptable. Je peux de nouveau être libre de mes mouvements, de mes allées et venues. Je peux de nouveau accompagner mon épouse à des sorties imprévues, voyager plus librement et ne pas être dépendant de l’accès en urgence à des toilettes publiques en tout temps.


Il arrive que l’appareillage me lâche parfois. Il me faut donc prévoir une rechange d’équipement et de vêtements lors des déplacements éloignés de la maison, d’une journée ou plus. Mais je peux vivre avec ça.


J’ai retrouvé une vie presque normale, épargnée de douleur, avec une liberté de mouvement agréable. J’ai repris toutes mes anciennes activités, j’ai de l’appétit, je digère bien et reprends du poids (stable à 71 kg), je refais du sport et du bricolage, des travaux extérieurs, je voyage en moto (7 000 km cet été) et en couple plusieurs fois. Vraiment, je ne m’attendais pas à un tel sursis après 10 années de galère.


Un seul bémol : les fièvres épisodiques commencées trois mois avant la chirurgie ont continué après. J’ai subi plusieurs examens et dois respecter un protocole de bilans réguliers et malgré tout. Malgré les divers traitements antibiotiques prescris, pour l’instant, ces épisodes reviennent sans avertissements pour des durées d’une à plusieurs journées ; et elles disparaissent aussi subitement qu’elles sont arrivées. Je m’en sors avec une perte de poids et de la fatigue mais après quelques jours, tout rentre dans l’ordre. Pour l’instant, les intervalles de ces épisodes s’espacent dans le temps. Peut-être disparaîtront-ils tout seul.


 

 

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