ULTIMATUM
RECIT –
PARTAGE
Le 2
août, le diagnostic : Le docteur, s'appuyant sur ses avant-bras bien à plat
sur son bureau, se penche légèrement vers moi et annonce d'une voix claire « Nous
avons enfin trouvé la cause de vos symptômes ! »
Je ne peux
m'empêcher de sourire en remarquant que lorsque qu'un médecin veut donner plus
de poids à une déclaration, il ne peut s'empêcher de s'exprimer à la première
personne du pluriel, le nous
rappelant la collégialité qui l'unit à tout l'ordre des médecins.
« J'en suis très
soulagé, continue-t-il (là vous remarquerez le retour au je pour s'accorder l'ensemble du mérite, qui, lui, ne se partage
pas aussi facilement) car il est possible de commencer un traitement. Quoique,
dans le cas de votre pathologie, il s'agit d'une maladie très rare, dont les
causes demeurent inconnues à nos jours et pour laquelle, en fait, il n'existe
pas de cure connue. »
J'aime bien !
D'abord, il est heureux d'avoir arrêté son diagnostic, comme ça nous arrêtons d'aller à la pêche d'un
examen à l'autre. Ensuite, nous
pouvons commencer un traitement incertain pour une maladie pratiquement
inconnue et de toute façon incurable. Je suis content pour lui, de le voir
ainsi soulagé. Toutefois, je me permets de ne pas le rejoindre dans son
enthousiasme. Si il est rassuré, moi, au contraire, je me trouve plus inquiet
qu'avant sa bonne nouvelle !
« Permettez-moi,
Docteur, de demander quelques clarifications, ne puis-je m'empêcher d'ajouter.
- Oui, bien
sûr, m'offre-t-il avec une compassion
teintée d'une certaine supériorité légitime aux gens qui savent, comparé à ceux
qui, eux, ne savent pas. Et dont je partage, nécessairement, le lot. De quelle
maladie parlons-nous au juste, osais-je demander ?
- D'une cholangite sclérosante primitive,
lance-t-il avec une fierté sans retenue ! » Je me permets de lui demander
d'épeler cela afin de le noter. Car ça pourra m'être utile, il me semble. Sans
attendre ma prochaine question, il se lance dans une explication abracadabrante
de cette pathologie, de ses conséquences, de sa durée et des problématiques qui
l'entourent. Je n'en retiens que quelques éléments :
1) il s'agit
d'une maladie dé-génératrice des conduits biliaires du foie
2) très rare
(j'apprendrai plus tard sur Wikipédia que seules dix personnes sur un million
en sont affectées), c'est-à-dire non étudiée (pour dix personnes à sauver, les
lobbies pharmaceutiques ne vont pas investir temps et argent pour une
pathologie si rare : aucun profit envisageable) ;
3) les
conduits biliaires entre la vésicule et l'intestin se referment (d'où la sclérose) et la bile, ne trouvant plus
de débouché vers le duodénum et le système digestif, se déverse directement
dans le sang et la lymphe ; les reins devront l'éliminer du sang tant bien que
mal par l'urine et l'épiderme en évacuera une petite partie par la sueur ;
4) cause
inconnue et traitement tout aussi inconnu : le docteur me prescrit des sels
biliaires chimiques qui, semble-t-il, assurent un certain équilibre d'enzymes
au cours de l'avancée inexorable de la pathologie qui nécessitera rien de moins
qu'une transplantation du foie (Wiki ajoute qu'on ne peut vivre au delà de
trois jours sans foie. Alléluia ! ) ;
5) comme cette
maladie est généralement associée à d'autres pathologies lourdes, le docteur me
prescrit une coloscopie exploratoire (il va aller farfouiller là-bas dedans
voir si rien d'autre de sérieux ne s'y cache).
Voilà ! Nous
étions en août de l'an 1 de la maladie. Deux ans se sont écoulés depuis et pas
mal de choses ont changé mais je suis encore là pour écrire ces pages. Le
docteur, lui, n'est plus dans mon cercle de connaissances, dû à un changement
d'employeur et de localité et, m'a-t-il avoué, une limite dans ses compétences
concernant ce genre de pathologie. Surtout que le médoc qu'il m'a prescrit -le
seul connu en l'occurrence- a arrêté de faire effet il y a quatre mois. Mon
dossier sera référé, avec un professionnalisme et un suivi personnel au-delà de
la norme pour un médecin, entre les mains d'un hépa-gastroentérologue expert en
la matière dans ma région (un de ceux qui s'attaquent aux quelques 1241 greffes
du foie (en 2012) en France, dont 45 pour le CHU de Bordeaux, selon les données
de l'Agence de la Biomédecine, mars 2013).
Mais, j'avance
un peu vite. Revenons au début afin de mieux saisir l'ensemble de la situation.
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