CHOLANGITE SCLEROSANTE PRIMITIVE
Je suis greffé d'un nouveau foie depuis le 3 mai 2014
en raison d'une Cholangite sclérosante
primitive (CSP). Il s'agit d'une affection grave dont la source est
inconnue et qui résulte en une anomalie des voies biliaires (jusqu'à
obstruction totale à l'intérieur d'un délai variant entre 5 à 10 ans) et
pouvant s'associer à la maladie de Crohn ou colite, fibrosclérose multifocale,
pancréatite, diabète et diverses maladies dysimmunitaires (lupus, polyarthrite
rhumatoïde...). Même avec une gestion optimale des traitements, le patient
atteint d'une CSP ne vivra pas au delà de 10 années depuis le diagnostic
originel sans une transplantation du foie.
Tout a commencé pour moi, alors que je me sentais en
pleine forme (âgé de 54 ans, je pèse 72 kg pour 1,80 m) en février 2012, par
une piqûre de tique infectée et traitée par forte dose d'antibiotique durant 21
jours. Mon médecin traitant à l'époque avait déjà noté une proportion anormale
d'enzymes et bilirubine dans mon sang lors d'un test sanguin précédent, en
2009. En avril 2012, la proportion ayant encore augmenté, après quelques tests
préliminaires (biochimie sanguine et échographie) mon médecin me réfère à un
gastroentérologue à l'hôpital de Libourne (Gironde) le plus proche de mon
domicile. Suite à une batterie d'examens (nouvelles biochimies sanguines, IRM,
coloscopie, analyses des selles, d'électrophorèse des protéines sériques,
d'immunologie) le gastroentérologue diagnostiquera en août 2012 une CSP.
Prescription d'un traitement à base de sels biliaires (Delursan 1000 mg/jour).
La dose augmentera au fil des mois jusqu'à 1750 mg/jour (Delursan remplacé par
le Cholurso) où en avril 2013, le traitement est interrompu à défaut d'utilité
car la bilirubine sanguine augmente de nouveau. En juin, une jaunisse (ictère)
s'installe.
Lors des tests sanguins de septembre 2013, le
laboratoire sonne l'alarme, le taux de bilirubine dans le sang ayant
considérablement augmenté (193 mg/L alors que le taux normal est < 12). Mon nouveau médecin généraliste
(j'ai déménagé de Gironde en Dordogne) me renvoie au gastroentérologue de
Libourne qui me réfère au CHU Bordeaux St-André à un hépa-gastroentérologue, le
Dr P.H. Bernard. Nouvelle batterie d'examens (IRM, échographie, scanner et
nouveau traitement avec reprise du Delursan et ajout d'Atarax 25 mg).
Recommandant ma mise sur liste de transplantation hépatique, il organise une
dizaine de jours d'hospitalisation pour janvier 2014. Les symptômes de la CSP
commencent à s'imposer : jaunisse sévère, fatigue chronique, prurit, insomnie,
douleurs articulaires et mauvaise circulation sanguine....
Le 8 décembre 2013, lors d'une visite à La Rochelle,
je m'effondre : perte de conscience, vomissement, perte d'urine. Les infirmiers
du SAMU me réaniment et me confient aux urgences de l'hôpital. Diagnostic
d'épuisement physique total (tension et pouls presque nuls, déshydratation,
manque chronique de sommeil – le prurit m'empêche de dormir plus d'une heure
par nuit, pertes d'appétit et de poids trop rapide – j'en suis à 60 kg). De
retour au CHU Bordeaux en consultation, on m'ajoute un somnifère, Zolpidem 10
mg. Malgré mes trois repas par jour, je continue de perdre entre deux à trois
kilos par mois. Les conduits biliaires sont totalement sclérosés et 100 % de la
bile passe dans le sang et la lymphe plutôt que vers les intestins. Le foie
s'engorge et grossit.
La semaine du 20 janvier 2014, je suis admis à
l'hôpital St-André pour le bilan physique total (foie, reins, poumons, coeur,
pancréas, ORL, dentition) en vue de la mise sur liste nationale de
transplantation, ce qui aura lieu à la fin du mois. Végétarien, sportif,
m'abstenant d'alcool et de tabac, le résultat du bilan confirme que j'ai les
organes d'un sportif de longue durée en pleine forme.
Le jeudi 20 mars, à 20h15, je manque un premier appel
de greffe; je suis sorti en oubliant mon téléphone portable. A mon retour, à 22
heures, le foie a été dirigé vers un autre patient. Avec mon épouse, nous
rencontrons un ancien greffé et sa femme par le biais du Secrétariat du Centre
de transplantation hépatique du CHU Bordeaux et de l'Association des
transplantés hépatiques du sud-ouest pour mieux nous préparer aux conséquences
d'une greffe.
Le second appel a lieu le samedi 3 mai 2014 à 12h10.
J'arrive à 14h30 par ambulance au CHU Bordeaux Pellegrin où la chirurgie aura
lieu. Mon taux de bilirubine sanguin dépasse les 500 mg/L et je ne pèse plus
que 53 kg. Je suis pris en charge de suite, rasé intégralement des genoux au
cou, douché et je rentre en salle préparatoire pour anesthésie totale deux
heures avant la chirurgie effectuée par la Pr. L. Chiche, chirurgienne
hépato-biliaire, Chef du programme de transplantation hépatique. Je me réveille
temporairement une dizaine d'heures plus tard et tout s'est bien passé. Au
petit matin, on ajuste ma dose d'anti-douleur et j'ai déjà faim. Je suis intubé
et perfusé de partout (côté droit, cou, nez, bouche, bras gauche et droit).
Cela ne durera pas longtemps car du box de réanimation, on me transfère 48 h
plus tard en chambre stérile. J'y resterai tout juste 12 jours car après 6
jours, mon système digestif fonctionne à merveille, y compris mon appétit, ma
reprise de poids et ma tolérance au traitement anti-rejet. L'angio-scanner du
20 mai ne révèle aucune anomalie.
Commence alors mon suivi par le Dr Neau-Cransac,
hématologue en oncologie digestive du service de transplantation hépatique de
l'hôpital Pellegrin, avec bilan sanguin et consultation chaque semaine (pour
évaluer et ajuster les médicaments), un traitement anti-rejet (Advagraf 8
mg/jour, Cellcept 1000 mg/jour, Isoméprazole 40 mg/jour) et un traitement pour
ralentir le retour de la CSP (Delursan 1000 mg/jour et Solupred 5 mg/jour). Les
tests sanguins et consultations s'échelonneront d'une fois par semaine le
premier mois puis chaque 15 jours jusqu'à la fin du premier trimestre. Ensuite,
ils auront lieu une fois par mois jusqu'au troisième trimestre, puis une fois
par trimestre la première année. Ils perdureront à vie à deux fois l'an.
Dès la consultation du troisième mois après la greffe,
tout va bien : traitement optimal, bilan sanguin presque parfait (bilirubine à
7,10 mg/L et globules blanches – leucocytes polynucléaires neutrophiles – à
1,03 Giga/l au lieu de 1.5 à 7). Mon poids est redevenu normal (72 kg) et on
m'autorise la reprise d'exercices physiques en douceur. Je dois désormais gérer
ma nutrition différemment : régime sans alcool, sans protéines animales crues
(viandes, oeufs, poissons, produits laitiers et fromages), limitant les mauvais
gras, sels (charcuteries et collations industrielles) et sucres (collations et
boissons sucrées, pâtisseries et desserts) et certains aliments connus pour
interférer avec les traitements anti-rejet (pamplemousse, millepertuis,
certaines plantes et tisanes). Et je dois faire un effort pour boire deux
litres de liquides par jour pour soutenir mes reins. On recommande aux greffés
hépatiques de voir le dentiste deux fois l'an (hygiène buccale) et
annuellement l'ophtalmologue et le
dermatologue.
Je n'ai trouvé dans toutes
mes recherches pré et post greffe, qu'un seul témoignage (datant de 2007) d'un
greffé du foie en raison d'une CSP (sur le site www.albi-france.org) et je propose mon
témoignage pour soutenir d'autres comme moi. J'ai rejoint les membres de
l'Association des transplantés hépatiques du sud-ouest dans le même sens et
soutiens les campagnes de dons d'organes, étant moi-même donneur enregistré
depuis l'âge de 16 ans, vu qu'un donneur peut sauver jusqu'à six vies !
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