Récit couvrant une période depuis 2012 dans la vie de Daniel MATHIEU, face à l'ultimatum de rares maladies incurables (cholangite sclérosante primitive et rectocholique hémorragique). Dès le diagnostic tombé, survient le rappel de mettre de l'ordre dans sa vie avant qu'il ne soit trop tard : quelques mois tout au plus ! Entre les symptômes qui s'accélèrent, les malaises qui s'enchaînent, les examens qui se suivent, les traitements aux effets incertains et la transplantation du foie, la menace d'ablation du colon, le chronomètre décompte l'approche d'une échéance prochaine et définitive. Une course abracadabrante d'espoir, d'avenues improbables, de questionnements, de la médecine, du miracle tant espéré et de ses conséquences insoupçonnées.

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samedi 2 décembre 2023

CINQ ANS DE RCH AVANT LA CHIRURGIE



Nous voilà en décembre 2013. Depuis 2018 et l’apparition de la recto cholique hémorragique (saignement et infection du colon ou gros intestin), j’ai expérimenté de véritables montagnes russes avec cette maladie : douleurs ventrales, douleur du rectum, hémorroïdes, saignements continus, douleur pour aller aux toilettes, infections, fièvres, fatigue et épuisement total, effondrement et alitement prolongé (jusqu’à 6 semaines d’affilées), faiblesse généralisée. Tout cela est suivi d’une phase de récupération plus ou moins longue, réapprentissage à marcher, à monter des marches, à prendre une douche ou un bain seul, à sortir marcher seul, à conduire la voiture ou la moto, à sortir faire des courses, à manger avec appétit, à reprendre du poids, des forces, les exercices, etc.

 

J’ai aussi changé de traitement il y a deux ou trois ans suite à une ultime crise. Je suis passé à l’auto injection ventrale par seringue pré remplie de Stelara à 90ml chaque 4 semaines. Ce n’est pas un traitement conçu pour la RCH mais ça permet, dans mon cas, de stabiliser l’évolution de la maladie et de maintenir les coliques sanglantes à un nombre raisonnable (10 à 15 par 24h dont 3 la nuit).

 

Mais les complications commencent lors de ma dernière coloscopie lundi 5 décembre 2022. Le samedi précédent, lors d’une réunion de plus d’une heure à l’extérieur, j’ai pris froid. Comme la préparation à l’intervention exige une descente alimentaire et un jeune de 12h avec des purges chaque 6 heures, je m’affaibli. J’ai froid et frissonne toute la journée de lundi à l’hôpital pour cette intervention. Ce soir-là, j’ai rendez-vous avec mon médecin traitant qui constate 39,7 de fièvre. Afin d’éviter une aggravation, elle me prescrit un antibiotique mais la pharmacienne se trompe et me donne moitié dose, ce qui engendre une accoutumance qui rend le traitement inutile. Dès que la pharmacie m’avise de l’erreur 5 jours plus tard, on me prescrit un nouvel antibiotique car les symptômes persévèrent. Je dois interrompre ce traitement de 10 jours après 7 jours car les douleurs ventrales sont insupportables. Je reste alité durant 6 semaines avant que la récupération, lente, commence. Mais au printemps tout va bien, je suis remis et ai repris mon poids usuel de 64 kg pour l’été. D’ailleurs, je passe un été en super forme.

 

La seconde semaine de septembre, la fièvre reprend pour 3 jours ; la semaine suivante, une journée ; le 28 octobre, une journée ; le 8 novembre, encore une journée. Chaque journée de fièvre me fait subir un à deux kilos de perte de poids, un épuisement total, nausée et perte d’appétit durant une semaine. Une à deux semaines sont requises pour me sentir un peu mieux et je reste très fatigué. Mon docteur traitant insiste auprès de l’hôpital (CHU Haut-Lévèque de Bordeaux) pour un suivi poussé et enfin, on me fait rentrer samedi 25 novembre pour 3 jours d’examens aux fins de diagnostic : prises de sang, d’urine, de scelles, température, tension, rythme cardiaque. Dimanche l’interne de service m’annonce que les résultats ne sont pas bons et qu’on refera des tests sanguins lundi matin avant que le docteur passe me voir. On parle alors d’une coloscopie pour l’après-midi du lundi sous anesthésie générale. Les résultats sont aussi pires qu’anticipés. Lorsque sa collègue passe mardi midi, elle m’annonce que le foie va bien, mais que le colon jusqu’à la jonction de l’intestin grêle est en piteux état, que des biopsies ont été prises et que les reins vont mal

Une chirurgie est anticipée d’ici Noël. On me laisse sortir mercredi. Mais vendredi midi je dois être de retour pour un scanner ventral.

 

Lundi 4 décembre en fin de journée, l’équipe médicale rencontrera les chirurgiens pour décider quel type de chirurgie entreprendre (ablation totale du colon, rectum et anus vraisemblablement avec iléostomie) et quand. On me contactera certainement mardi au courant de la matinée. D’ici là, je complète mes recherches d’information et relie le livre de Guylain Mercier « La maladie m’a guéri : vivre avec la maladie de Crohn » (éditions Berger, 2e édition 2020, 153 pages) qui explique les conséquences de l’iléostomie et de vivre avec la stomie (poche extérieure). Voir le chapitre 4, pages 49 à 61.

 

J’accepte maintenant comme inéluctable le passage par la chirurgie alors que je m’y oppose depuis la transplantation du foie il y a 9 ans. Mais là, je n’ai plus d’autre option. C’est ça ou le suicide pour mettre fin aux douleurs incessantes. J’ai fait pas mal de recherches sur la fin de vie devancée et ce n’est pas vraiment un choix judicieux, ni pour soi, ni pour les proches. Et ça laisse quelque chose d’inachevé dans cette vie-ci qu’il me faudra certainement reprendre ultérieurement. Je suis capable d’endurer la douleur encore quelques temps et d’espérer que la chirurgie y mettra fin une fois la convalescence terminée. N’ayant pas l’information pertinente sur le type de chirurgie ni les conséquences, ça ne sert à rien d’y réfléchir maintenant. La semaine prochaine j’en saurais plus long et il sera temps d’aviser. J’ai prévu une consultation avec mon médecin traitant dès mardi après midi pour en discuter. Plusieurs de mes thérapeutes et proches attendent aussi avec impatience le verdict des chirurgiens. On verra donc alors.

 

De mon côté, j’ai le moral, malgré la situation et je sais – je sens – que ce n’est pas cela qui me tuera. Je fais confiance à mon gastro-entérologue qui me suit depuis 6 ans et que mon colon est foutu (avec un gros risque d’occlusion ou de rupture, d’infection et de complications collatérales de plus en plus sérieuses) et que la chirurgie est ma dernière option. Je fais confiance à mon corps pour passer à travers et je tempère mes proches et amis en leur disant que tout va bien, est sous contrôle et que je suis confiant face à ce qui arrive. Je suis bien soutenu par une épouse présente et attentive, des amis et ma fille cadette. Adviendra ce qui adviendra. Je suis prêt à tout.