Récit couvrant une période depuis 2012 dans la vie de Daniel MATHIEU, face à l'ultimatum de rares maladies incurables (cholangite sclérosante primitive et rectocholique hémorragique). Dès le diagnostic tombé, survient le rappel de mettre de l'ordre dans sa vie avant qu'il ne soit trop tard : quelques mois tout au plus ! Entre les symptômes qui s'accélèrent, les malaises qui s'enchaînent, les examens qui se suivent, les traitements aux effets incertains et la transplantation du foie, la menace d'ablation du colon, le chronomètre décompte l'approche d'une échéance prochaine et définitive. Une course abracadabrante d'espoir, d'avenues improbables, de questionnements, de la médecine, du miracle tant espéré et de ses conséquences insoupçonnées.

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vendredi 11 juin 2021

PAS DE CHANCE ! UNE 3E MALADIE AUTO-IMMUNE

La Cholangite sclérosante primitive (CSP) est sous contrôle depuis la greffe du foie en mai 2014 et je suis resté sous immunosuppresseurs : ADVAGRAF (en 7,5 mg / jour). La recto cholite hémorragique (RCH) qui s’est développée en février 2016 est également sous contrôle avec le dernier traitement expérimental en injections de STELARA (90 ml chaque 8 semaines). Mon poids restait stable (67 kg) et mon énergie excellente avec des diarrhées sanglantes réduites entre 5 à 7 par jour (en crise, jusqu’à 20). La RCH opère en vagues de trois mois, il m’apparaît. Je dois donc ajuster mon comportement et mon régime en fonction des crises et essayer de les prévenir, dans la mesure du possible.

 

Depuis un an, j’insistais auprès de mon hématologue (qui me suit depuis la greffe) pour réduire le montant d’immunosuppresseurs car j’ai développé un eczéma partout sur le corps en réaction aux médicaments, selon l’avis du dermatologue (un des effets secondaires de l’Advagraf). Mais je me bornais à un refus implacable. Alors j’ai changé d’hématologue. Suite à des examens sanguins plus approfondis prescrits par mon gastroentérologue (qui me suit pour le RCH), ce dernier à détecté une anomalie qui pourrait être causée par l’Advagraf, justement. Car ce dernier, parmi ses effets secondaires, peut causer entre autres des anomalies au niveau des globules produits par la moelle osseuse.




Me voilà référé à un hématologue qui entame une série d’examens sanguins et de la moelle osseuse (ponctions du sternum = myélogramme). Et voilà qu’on m’annonce en mai 2021 que je suis désormais atteint d’une myélodysplasie grave par laquelle un gène détraqué, le XXD41, causerait la malformation ou dégradation des globules blancs, ces derniers étant responsables de la défense immunitaire. Le taux de globules rouges (responsables du nutriment et oxygénation du sang) et des plaquettes (responsables de la coagulation sanguine) restent à un taux acceptable.

 

Bien sûr, je demande ce qu’il adviendra si je ne traite pas ce déséquilibre. On me répond que la prolifération des globules blancs anormaux (pour ne pas utiliser à outrance le mot « cancer ») bloquera la création des globules rouges et des plaquettes dans la moelle et se déversera dans le sang pour se répandre dans tout le corps et tous les organes, engendrant des cancers généralisés. Pronostic vital : 10 à 12 mois, si le rythme actuel de prolifération se maintient ;  3 mois, s’il accélère ; 3 ans s’il se stabilise. Ce n’est ni le premier, ni le pire que je reçois depuis les 7 dernières années ! J’ai en vécu un de 72 heures lors de ma dernière hospitalisation en urgence (pour la RCH). Et il y a 3 ans de cela maintenant. Le corps peut réagir jusqu’à la dernière minute de façon tout à fait surprenante et inimaginable. Donc, pas de panique !

 



Personnellement je me sens hyper bien et je pette la forme. Le moral est au grand beau et la vie est belle. Je profite de l’été, du potager et du jardin et de la moto. Les contraintes sociales engendrées par le Covid-19 depuis deux ans ne m’ont guère affectées puisque les gestes barrières, je les pratique depuis la greffe et que je sociale un minimum. Ma famille est au Canada et les réseaux électroniques comblent l’espace. D’accord, j’ai perdu 5 kilos ce dernier trimestre mais c’est plutôt du à un nouveau régime très strict sans gluten, ni lactose, ni irritants intestinaux, ni sucre. Même ma compagne a perdu 3 kilos et va beaucoup mieux sur le plan digestif. Et la perte de poids n’est pas accompagnée d’une perte d’énergie (sauf les 3 premiers jours sans sucre ajouté dans mon alimentation).

 

J’entame des recherches sur la cause possible de cette anomalie de la moelle et découvre qu’elle peut résulter d’un rééquilibre des systèmes vitaux suite à la guérison d’une maladie. La moelle constatant un déficit de globules blancs en produit plus, ce qui engendre un rééquilibrage temporaire. Rien de drastique. Évidemment, cette anomalie peut surgir suite à une prise prolongée et élevée d’Advagraf et c’est là que va mon attention. Je commence donc par réduire par moi-même (puisque les docteurs s’y refusent) la dose de ce médicament de 7,5 à 7, puis à 6,5 mg en deux mois. Ensuite, je continuerai de réduire le dosage d’un demi milligramme par mois jusqu’à descendre à une dose plus acceptable de 5 mg par jour. Comme je suis suivi au niveau sanguin chaque semaine, si quelque chose ne va pas, on le verra rapidement.  Je mets mon médecin traitant sur le coup et lui fait envoyer les résultats hebdomadaires des analyses sanguines. Elle me tiendra informée. De plus, elle ne trouve nulle part dans mon dossier ni un diagnostic final ni un lien confirmé démontrant que la cause de l’anomalie est strictement génétique et non résultant d’une intoxication aux immunosuppresseurs : bien sûr, cela sera l’objet de mes vérifications plus approfondies auprès du nouvel hématologue.

 

De leur côté, les docteurs du CHU Bordeaux qui continuent de me suivre me soulignent qu’en guise de traitement pour la myélodysplasie (cancer de la moelle osseuse), je ne pourrais pas avoir recours à la greffe de moelle ni au traitement de chimiothérapie traditionnel en raison de mes deux maladies auto-immunes existantes. En fait, je suis un cas unique ; ils ne connaissent aucun antécédent d’un patient atteint comme moi de trois maladies auto-immunes en même temps et n’ont donc aucune idée de quel traitement serait efficace. Toutefois ils sont d’accord pour une chimiothérapie « légère » par injections de VIDAZA en 75 ml, une fois par semaine sur 7 jours, suivies de 3 semaines de répit, et ainsi de suite durant 6 cycles mensuels consécutifs avant d’évaluer le résultat. Pour cela, d’autres examens sont requis et on transfère mon dossier au service d’hématologie de l’hôpital de Périgueux (à 45 minutes de chez moi, au lieu de Bordeaux qui est à 2h30 de route) pour le traitement quotidien. Mon dossier se retrouvera donc prochainement entre les mains d’une nouvelle hématologue à Périgueux pour le traitement par Vidaza.

 

Bien sûr, je reste ouvert à tous les examens et contrôles appropriés pour préciser la problématique. Mais avant d’accepter un tel traitement, j’ai besoin d’information, de beaucoup plus d’information. D’abord, si je comprends bien ce que j’ai trouvé sur internet, le Vidaza n’affecte pas juste les globules blancs mais détruits aussi les globules rouges et les plaquettes : donc plus aucun système immunitaire. On espère ensuite que mon système vital reprendra le dessus pour reconstruire une moelle saine, alors que cela fait 7 ans qu’il est mis en suspens par les immunosuppresseurs. En posant des questions autour de moi, j’apprends (par sa femme) qu’un ami maintenant décédé avait suivi ce traitement et qu’il était resté 8 mois sans aucun système immunitaire avant de décéder. 

 

On m’indique aussi que la myélodysplasie n’est absolument pas douloureuse et que vers la fin, le patient développe des saignements internes et externes (en raison de l’absence de plaquettes) et diverses infections qui affaiblissent son état général jusqu’à l’arrêt des fonctions vitales. Donc une mort paisible, sans passer nécessairement par la case hospitalisation. Alors que là, ce traitement me fait passer une semaine par mois en hôpital, plus les jours d’effets secondaires notoires à toute chimiothérapie, plus vivre reclus sans système immunitaire : pas très agréable. De plus, le taux de survie avec ce traitement, pour un patient qui n’a pas 3 maladies auto-immunes en même temps ne fait que doubler au mieux. Sur 5 ans, 60 % de décès dus au traitement et 20%  de plus dus aux conséquences ou autres maladies se développant lors du traitement. Si on compte un cas ou deux de rémission lors des études de cas, ça ne semble pas vraiment valoir la peine à moins d’être atteint d’un cancer de stade 4 en fin de vie et sans autre alternative. Et là encore, ça doit demeurer un choix personnel.

 

Donc, j’ai deux autres contrôles à venir en plus des prises de sang hebdomadaires et une 3e ponction de la moelle du sternum dans trois mois (août) avant les prochains bilans cet automne. Pour le nouveau traitement, il me faut attendre d’être approché par l’hôpital de Périgueux cet été, je présume. Je choisis de ne pas informer ma famille et mes proches, autres que ma compagne et mes thérapeutes, car tout d’abord on n’est certain de rien, ensuite je ne sens pas du tout la pertinence du pronostic médical, et enfin, les mettre au courant ne ferait que les alarmer une fois de plus sans qu’ils ne puissent rien faire d’autre que ce qu’ils font déjà. Au point où j’en suis, 2 maladies ou 3, quelle différence ? Alors je garde ça pour moi et je continue de vivre selon mon principe du « comme si » (comme si je n’étais pas malade). 

 

De mon côté, j’explore la médecine alternative pour identifier la cause possible de ce nouveau déséquilibre. Et les indices semblent converger. Différentes thérapies non intrusives et douces s’offrent à moi et j’en tire profit. C’est bon aussi pour mon moral de rester « au commande » de mon état d’être. Homéopathie, huiles essentielles, fleurs de Bach, reprogrammation, analyses, acupuncture, je ne laisse rien de côté qui puisse me faire du bien ou me soutenir. Comme cela m’a grandement aidé avec les deux autres maladies, leurs traitements et leurs lots d’effets secondaires, il est logique que je continue sur la même ligne. Et faire le ménage, à l’occasion, dans sa tête et avec ses sentiments, ne peut qu’aider. Je reste serin et confiant, optimiste de nature, je ne vois pas de raison de changer.

 

Bien sûr, ma compagne se fait du souci car l’alternative n’est pas rassurante et une nouvelle échéance d’un an de vie en couple la tracasse pour son avenir à elle sans partenaire à bientôt 70 ans. C’est une chose d’affronter la maladie, c’en est une toute autre de se retrouver seule pour affronter la vie alors qu’on n’a plus l’énergie de nos 20 ans. La vie à deux, c’est quand même plus facile et plus agréable quand on est en symbiose.

 

Je vous dirai qu’être passé par là déjà deux fois en 7 ans, je commence à me faire à l’idée. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, savoir ma fin proche me permet de vraiment mieux profiter de la vie au quotidien. Chaque jour en bonne forme est une bénédiction, chaque petite réjouissance quotidienne est source de joie, chaque bon repas un véritable plaisir, chaque moment intime partagé avec un proche est apprécié à sa juste valeur, rien n’est oublié, tout est valorisé. Et les soucis quotidiens perdent toute leur emprise. Il faut bien les gérer, mais pas besoin d’en rajouter à se morfondre. Tout le temps qu’il me reste sera agréable, profitable et apprécié. 

 

(légende : "On reste calme, je le ferai demain")

J’ai déjà fait le bilan affectif avec mes proches lors de la dernière hospitalisation d’urgence il y a 3 ans et toutes mes affaires sont en ordre. J’étais prêt alors et le suis resté. Aucun nouveau conflit à régler, aucun regret dans le placard. Comme disait Leibniz : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. » Ainsi va la vie…

 

À suivre…

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